26.7.06

 

Bobin


Il y a des auteurs qu'on décide de ne plus lire - un jour par lassitude - mais dont on garde précieusement le souvenir des mots...
Des auteurs dont - pourtant après toutes ces années sans ouvrir leurs nouveaux livres - on sait les yeux fermés où sont leurs phrases dans notre bibliothèque, phrases auxquelles on est toujours retournée.
C'est peut être pour ça finalement qu'on a cessé de les lire pour ne garder que l'essentiel des mots.
Comme si déjà ils nous avaient amenée si loin qu’ils ne pouvaient plus rien nous dire….

Et puis un jour on ouvre un blog...

Un sale matin.
Oui, un vrai sale matin où l'on s'est précipitée vers une grande boîte pour chercher si les anxiolytiques d'il y a 3, 4 ans n'étaient pas périmés et où, soulagement, il reste 4 barrettes et demi au fond d’1 tube.
On a le temps : décembre 2007.
Et après…

On sait qu’il y a une boîte neuve - entière, mais où ?
Finalement, on la trouve à la tête du lit, elle y est depuis des années !
Périmée depuis mai 2006…. On n’a pas vu le temps passer.

Ne pas s’acharner à vouloir que cela cesse parce ça a cessé.
Non c’est pire : c’est avoir peur que cela recommence.
Les petites boîtes sont là pour rassurer, au cas où cela deviendrait de nouveau insupportable… un quart suffit à me saouler.

Et si ça recommençait…

Hier, on a trop remué le corps et les images qu’il a gardées dedans…
Une photo de moi à 14 ans…

Ça remonte, la vie maintenant…
Cette envie d’être en vie sans y arriver vraiment.
Ça remonte comme un puits de larmes sans fond.
Ça remonte et les éclats de rire - aussi - de l’enfant…

Le soir avant de s’endormir - d’un si mauvais sommeil - on se dit qu’il faut sûrement en passer par là pour passer à autre chose.
Autre chose, une autre vie, toujours la sienne - alors, juste un soi différent.
En passer par là… Comment dire ?… Faire surgir, regarder ce qui nous a tuée –ce qui a fait qu’on s’est tuée - histoire, une fois pour toute, de laisser partir… passer… au passé.
Une telle envie de pleurer...

Et voilà que l’on trouve un extrait de texte sur un blog - http://fragmentsbeyondskin.blogspot.com/2006/07/lheure-de-la-main-vide.html – qu’une phrase vous claque au visage :

« La maladie c’est l’absence de chemin, l’incertitude des voies ».

5 années que le corps crie, que la douleur sépare, que ce que l’on était est parti…
Qu’on ne se reconnaît pas, qu’on ne sait pas ou on va…

« Où sont les gens qui dansaient avec moi ? »

Depuis quelques mois, on va beaucoup mieux, on a même esquissé quelques pas sur une piste de danse à dire à la douleur : « Tais toi ! Demain, je paierai le prix que tu voudras mais pour l’instant tais toi ! ».
Parce qu’on est étonnée de cet avenir qui se prépare si différent de celui auquel on s’attendait.
Parce que cela nous fait sourire de continuer à tenter de le réinventer.
De transformer la douleur en ce qu’on aurait pas su imaginer…
Et à lever le poing serré.

Alors, on dit - non pas à tout le monde mais à ce qu’il en reste du monde : « je suis dans l’entre 2, c’est le passage » ; et on sait bien - nous - ce que cela signifie : "plus tout à fait malade et pas encore sauvée de moi". Entre l’ancienne et la nouvelle un truc comme ça…

Et puis, par un sale matin, on sait enfin où on se trouve, nous y voilà.
C'est « l'heure de la main vide ».


Alors…
Je vais à la bibliothèque, j’ouvre le livre et je cite :

« Il y a des enfances en vous, d’autres visages dans votre visage. Laissez les venir au jour, fleurir et se faner. Je ne vous demande pas de m’attendre. Il n’y pas d’autre attente que de vivre ».

Christian Bobin « La Femme à venir ». Gallimard.


Qui est celle qui monte du désert
Appuyée sur son bien-aimé ?
Le Cantiques des cantiques. 8,3. (in Bobin)

Au féminin :« Bien-aimée ».
To be continued...

Comments:
Merci Hannah.

C'est étrange à vivre cet état,ce passage de l'heure de la main vide. Les matins peuvent encore être douloureux. Mais pas toujours...

Merci pour cet extrait de "La femme à venir" de Christian Bobin.

XXLuz
 
Sûrement Luz.
Et puis cela a permis de réouvrir quelques livres, d'y retrouver quelques passages soulignés au crayon à papier... Histoire de préparer de jolies nouvelles heures au matin...

Bonne route.
H.
 
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